Faith After Doubt, ou « La foi après le doute » est l’un des plus récents livres de l’auteur Brian McLaren. Comme l’explique le sous-titre, c’est un livre qui explore « Pourquoi vos croyances ont cessé de fonctionner et ce qu'il faut faire pour y remédier. »
La thèse de l’auteur est que le doute nous est donné par Dieu pour nous éveiller à l’invitation à évoluer dans notre foi. Au lieu de voir la foi comme quelque chose de statique, que l’on possède et qu’on doit préserver, le doute et les périodes d’incongruité qui surviennent à divers moments de nos vies peuvent nous permettre de voir la foi comme une chose vivante qui est appelée à grandir et à changer. L’auteur suggère que le doute peut servir de pont pour traverser d’un stade de foi vers une autre, et que le doute est en soi un élément essentiel d’une foi mature et d’une vie bien intégrée.
Dans la première moitié du livre, l’auteur explore les multiples sens et manières d’expérimenter le doute. Ce qui surprend dans cette partie, c’est de voir à quel point le doute est une expérience nuancée et intrinsèquement liée au mouvement. Si le doute peut mener à une sorte de paralysie, comme on voit parfois, ça arrive uniquement quand on y résiste, au lieu de l’accepter les mains ouvertes et de l’analyser avec rigueur, curiosité et détachement.
L’auteur écrit ce qui suit :
« Il s'avère que le doute est le moyen de passer d'une étape à l'autre. Sans doute, il peut y avoir une croissance à l'intérieur d'une étape, mais la croissance d'une étape à l'autre exige généralement que nous doutions des hypothèses à la base de notre étape actuelle. »
- Brian D. McLaren
Le livre prétend que le doute nous permet de délaisser ce qui ne fonctionne plus dans nos schémas de pensée, pour ensuite transitionner vers une expérience de foi qui reflète notre croissance. Il existe abondamment de théories de développement personnelles d’où l’on peut aussi tirer d’importantes notions sur l’évolution spirituelle, mais l’auteur ici propose son propre schéma en quatre parties. Son approche clarifie les stades majeurs de développement de la foi, et aide tout particulièrement à naviguer le vide qui existe entre les stades, l’écart où le doute peut nous prêter main-forte pour traverser d’une rive à l’autre.
McLaren perçoit quatre stades, dont les deux premiers sont un peu les deux côtés d’une même pièce.
Le premier stade s’appelle la simplicité. C’est un stade de développement spirituel parallèle à l’enfance, où on érige les murs conceptuels qui séparent le bien du mal, où tout est clairement défini et divisé, et où « avoir raison » et « être parmi ceux qui ont raison » est ce qui compte par-dessus tout.
Il appelle le deuxième stade complexité. Ce stade ressemble beaucoup à l’adolescence, parce qu’à ce stade on commence à se responsabiliser pour soi, à faire ses propres recherches par rapport à la vérité, et on passe d’un stade de dépendance à un stade où on a notre mot à dire sur l’état des choses et les décisions qui nous concernent. C’est à ce stade-ci que se manifeste « la passion de la jeunesse » que tous les leaders souhaitent atteler et exploiter pour le bien de leur cause (peu importe le domaine). Cette passion peut se manifester à travers un intérêt pour la théologie, l’implication sociale, la louange, la prière… C’est à cette étape que l’on construit l’identité et aussi l’appartenance. C’est pour cette raison que c’est souvent une expérience déchirante de ressentir le besoin de tourner le dos à ce qui était jusqu’ici d’une si grande importance pour nous.
Le troisième stade s’appelle perplexité. Certains modèles de développement similaires incorporent les stades un et deux, ce qui fait de la perplexité le deuxième de trois stades. Cela aide à comprendre pourquoi c’est un stade charnière de l’évolution spirituelle. Entre le premier et le deuxième stade, le doute était bel et bien présent. C’était nécessaire de douter d’une spiritualité sans nuances, parfois presque magique, pour aller vers une spiritualité qui incorpore aussi l’intellect et la volonté, ce qui a ainsi ouvert la porte à toutes sortes de nouvelles complexités.
Mais lorsque le doute nous visite au seuil du troisième stade, on est aux prises d’une situation à fendre le cœur. Tellement de belles choses ont été acquises au cours des longues années passées aux stades un et deux, tant d’énergie a été investi à se former selon les attentes et les exigences de notre lieu d’appartenance, tellement de personnes ne comprendront juste pas comment Dieu peut nous appeler à le suivre d’une manière nouvelle. On a tellement à perdre. Et parfois, à ce stade, c’est difficile de voir ce qu’il y a à gagner.
Le désarroi qu’on peut ressentir par rapport au stade trois a sa place. La perplexité n’est pas un stade de développement où on est invité à s’établir pour de bon. S’installer confortablement dans la perplexité a autant de sens que de planter sa tente au beau milieu d’un pont.
Néanmoins, plusieurs personnes ont tellement d’expériences négatives à gérer de leur passé qu’ils y passent des années avant de pouvoir continuer leur évolution. D’autres, aux expériences non moins terribles, se créent une nouvelle identité en réaction au mal qui leur a été fait. C’est un état d’être franchement malaisant, comme quelqu’un qui se rend soudainement compte de la tache sur son chandail, mais qui au lieu de mettre un chandail propre, passe le reste de ses jours à se plaindre de son chandail sale le torse nu.
Toutefois, la perplexité reste un stade bien à lui. Et une fois qu’on calcule la période d’hésitation initiale, les « flirts » assumés, et cachés, avec des expressions de foi différentes de ce qu’on connait, les remises en question, et la possible période d’itinérance spirituelle, la perplexité peut durer pendant plusieurs années. Certains appellent ce stade la déconstruction, et c’est approprié, parce qu’il y a souvent beaucoup à déconstruire.
Mais le but ultime de ce stade n’est pas de vivre sur un tas de débris, mais plutôt de reconstruire sa foi en y intégrant les matériaux réutilisables dans un édifice à l’image de notre personne actualisée. Telle l’image employée par l’apôtre Paul dans 1 Corinthiens 3, la maturité chrétienne se construit à partir de ce qui survit aux flammes purificatrices rencontrées lors de notre pèlerinage. Et comme le dit Jésus suite à ses paraboles rapportées dans Mathieu 13: « tout scribe instruit de ce qui regarde le royaume des cieux est semblable à un maître de maison qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes. » Pour évoluer dans la foi, on doit discerner, avec l’aide de l’Esprit saint et des personnes qui nous aiment, ce qu’on doit prendre et ce qu’on doit laisser.
On arrive enfin au quatrième stade, à l’objectif du développement spirituel, ce que l’auteur appelle harmonie. Une bonne façon de concevoir ces stades sous une forme imagée est comme une série de couches descendantes vers la profondeur. Si la simplicité est tout en haut, à la surface, l’harmonie est tout au fond à la base de l’être, là où on trouve l’essence, l’image divine en nous.
C’est là qu’on retrouve une nouvelle simplicité, un état d’être profondément ancré où on voit beaucoup plus nettement ce qui est sain et malsain dans toutes les traditions chrétiennes, et tous les stades de développement, mais où on ne ressent plus le besoin de les juger. C’est une étape de profonde intégrité, où on perçoit nos erreurs, celles des autres et celles de la société avec une énorme clarté, sans pour autant sombrer sous le poids de la critique ou de la culpabilité. On s’exprime avec lucidité et autorité, exposant le mal et l’injustice tout en étant détaché de ce qui peut en résulter. C’est le stade où on fait enfin la paix avec le paradoxe par l’acceptation du mystère, où l’on se repose en Dieu. Et c’est là où la foi s’exprime à travers l’amour pour tous, sans exception.